De quel type de fruits parle-t-on quand on évoque les sorbets plein fruits ? De fruits frais ? De purées de fruits ? De concentrés ? N’y a-t-il vraiment pas de produits laitiers dans les sorbets ? Quelle est la différence avec une glace aux fruits ? Autant de questions qui permettent de faire passer le temps dans la queue des glaciers l’été, mais qui restent souvent sans réponse !
La file d’attente chez un glacier fait partie de l’expérience estivale : c’est l’occasion de se réjouir en avance de la glace que l’on va déguster, de découvrir tous les parfums et de débattre sur le choix cornélien qu’il faut alors faire. Qui n’a jamais entendu à cette occasion une voix s’élever : « le sorbet, c’est bien sans lait, c’est ça ? C’est que du fruit ? ». Et une réponse fuser « oui, oui ! C’est la différence entre les glaces et les sorbets ! »
Mais entre glaces aux fruits, sorbets et sorbets plein fruits, les différences sont parfois subtiles et peu connues du consommateur qui, face à un étalage de parfums, ne peut se fier qu’aux appellations. Qu’est-ce qui se cache en réalité derrière celles-ci ?
Un premier élément de réponse formel et législatif nous est apporté par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : le sorbet est obtenu par congélation d'un mélange d'eau potable, de sucres, de fruits ou de légumes, voire d’alcool, d'épices ou de plantes. Aucune matière grasse ne peut être ajoutée lors de sa fabrication. Mais, première nuance que l’on peut introduire auprès de nos curieux qui se questionnent en attendant de recevoir leur glace, l’utilisation de protéines laitières est compatible avec la dénomination « sorbet ». L’emploi de protéines laitières est en effet admis à très faible dose (moins de 1 %) à des fins technologiques pour améliorer l'onctuosité du produit fini (rôle de texturant). La présence de produit laitier doit bien évidemment figurer dans la liste des ingrédients.
Ensuite, il faut regarder précisément la proportion de fruits incluse dans la préparation de la glace. L’appellation « sorbet » aux fruits ne sera délivrée que si 25 % de fruits à minima sont compris dans la liste des ingrédients, sauf dans le cas des fruits acides (citron, orange, etc.) et des fruits à saveur forte (ananas, banane, etc.) pour lesquels cette teneur minimale doit être de 15 % et dans le cas des fruits à coque pour lesquels cette teneur doit être d’au moins 5 %.
Mais il existe aussi l’appellation « sorbet plein fruits », pour laquelle cette teneur minimale doit être de 45 % pour les fruits usuels et de 20 % pour les fruits acides et les fruits à saveur forte.
Une fois que ces bases sont posées, Isabelle et Thierry Vatinet, artisans glaciers, nuancent : d’abord, la dénomination « fruit » ne stipule pas s’il s’agit de fruits frais, de purée de fruits, de concentré ou de fruits déshydratés. Ensuite, encore plus important que la composition exacte, le mode de fabrication rentre en compte et peut tout changer. C’est qu’en pratique, pour un sorbet contenant 60% de fruits frais, la texture est très compliquée à gérer lors de la fabrication (morceaux, fibres, quantité d’eau contenue dans le fruit…). Lorsque l’on voit donc 60% de fruits sur une étiquette, il y a fort à parier qu’il s’agisse de fruit déshydraté ou concentré, qui sont les seules options qui rendent la fabrication possible.
En d’autres termes, un sorbet à 25% de fruits frais vaut peut-être mieux en terme de qualité gustative et environnementale qu’un sorbet affiché 60% plein fruit.
Dernier point qui nous incite à nous pencher sur le mode de fabrication : c’est lui qui va déterminer la différence entre un produit glacé industriel et un produit artisanal. Isabelle et Thierry sourient : la gestion de la texture est le combat des artisans glaciers, et cela impacte forcément la composition des sorbets. Si l’on fabrique ses glaces avec une turbine, comme c’est le cas chez Mastro Gelataio, alors on peut travailler avec des fruits frais, et de vrais morceaux de fruits. Les procédés industriels, eux, nécessitent un circuit continu : on insuffle de l’air dans la glace (ce qui permet d’ailleurs de vendre le même volume avec moins de quantité), et il est donc hors de question de travailler avec du fruit frais. Le moindre morceau de fruit risquerait de boucher le circuit et d’interrompre la chaîne de production. La glace doit donc être lisse et elle est alors aromatisée à la purée de fruit centrifugée… ce qui ne l’empêche pas, vous l’aurez compris, de bénéficier de l’appellation sorbet ou sorbet plein fruits.
Les Français consomment en moyenne 4,9 kg de glace chaque année, selon les données du Statistika Consumer Market Outlook (étude de 2021) : autant savoir précisément de quoi il s’agit !
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